Le réseau « Parcours de santé » en Sciences humaines et sociales, épidémiologie et santé publique du Cancéropôle Est a organisé le 25 mai 2021 un workshop sur le thème de l’après-cancer. Ce workshop était le 2ème du réseau « Parcours de santé » après une 1ère journée en mai 2019 sur les méthodes mixtes.
Cette réunion en visioconférence a réuni plus d’une 50aine de participants, chercheurs, cliniciens, étudiants et autres, dont la plupart sont restés mobilisés tout le long de la journée malgré le format en distanciel.
Au cours de la journée, neuf intervenants ont présenté leurs projets, basés sur des approches épidémiologique, biostatistique, socio-économique, socio-anthopologique, psychologique, ou plus interventionnelles.
La fin de la journée a été consacrée à un atelier sur la résilience au cours duquel deux intervenants ont d’abord exploré ce concept dans le cadre de la réanimation et de l’obésité sévère, suivi par une discussion sur la pertinence d’investiguer la question de la résilience dans le cancer.
Projets présentés
« Facteurs pronostiques de la survie des femmes atteintes d’un cancer du col de l’utérus en France, étude à partir des registres de cancers » Anne-Sophie WORONOFF (Besançon)
Objectif : Décrire les caractéristiques épidémiologiques des CCU, leur stade, leur prise en charge diagnostique et thérapeutique. Identifier les principaux facteurs pronostics de la survie des femmes atteintes d’un cancer du col de l’utérus (CCU) en fonction de l’âge.
Conclusion : Les femmes les plus âgées ont un risque de décéder deux fois plus élevé que les plus jeunes. Elles sont diagnostiquées à un stade plus avancé, et ne reçoivent pas toujours le traitement recommandé.
Une attention particulière doit être portée à la prise en charge des femmes âgées (qui ne sont plus dans la tranche d’âge du dépistage organisé et qui n’ont plus de suivi gynécologique régulier) pour diagnostiquer les CCU à un stade plus précoce et s’assurer qu’elles reçoivent autant que possible le traitement recommandé (en fonction du stade).
« Qualité de vie et après-cancer » Sandrine DABAKUYO (Dijon)
En oncologie, l’amélioration des techniques de dépistage (cancers du sein, col, prostate, colo-rectal ), le diagnostic précoce et les progrès thérapeutiques ont conduit à une augmentation du nombre de survivants. Dans ce contexte, l’évaluation de la qualité de vie relative à la santé, chez les survivants de cancer, est devenue un enjeu majeur dans la prise en charge des cancers. C’est ainsi que les différents plans cancer ainsi que la stratégie décennale de lutte contre le cancer 2021-2030 se focalisent sur les diagnostics plus précoces, la qualité de la prise en charge des patients et la préservation de leur qualité de vie. Les travaux présentés dans la communication « Qualité de vie et après-cancer » ont été mis en œuvre à partir des données du Registre des cancers du sein et cancers gynécologiques de Côte d’Or. Ces travaux se sont intéressés aux conditions de vie des longs survivants d’un cancer du sein ou d’un cancer gynécologique, en particulier, leur qualité de vie, leur réinsertion sociale et professionnelle ainsi que l’impact des traitements sur la fertilité et la sexualité.
« Faciliter l’accès à l’assurance et à l’emprunt après un cancer à partir des données de registres » Valérie JOOSTE (Dijon)
Malgré l’inscription du droit à l’oubli dans la loi de santé de 2016, l’accès à l’assurance et à l’emprunt reste une difficulté importante pour les personnes vivant avec une histoire personnelle de cancer. Grâce à des développements méthodologiques appliqués aux données de la base nationale des registres Français de cancer (réseau FRANCIM), nous pouvons fournir au groupe AERAS des estimations de délai entre le diagnostic et la guérison statistique, afin d’améliorer cet accès.
« L’après des traitements anticancéreux : entre résignation, acceptation et remaniements de soi » Gloria ACOSTA SUAREZ (Strasbourg)
Ce texte est un résumé de l’intervention de Esther Gloria Acosta Suárez. Elle porte sur trois expériences des personnes interviewés (hommes diagnostiqués et traités pour un cancer urogénital dans un contexte espagnol) après la réception des traitements anticancéreux. Ces expériences émergées de récits sont la résignation, l’acceptation et le remaniement de soi.
« J’ai un cancer », « J’ai eu un cancer » : une réflexion sur l’après cancer basée sur l’usage de la photo d’Annie Ernaux » Silvia ROSSI (Nancy)
L’objectif de cette communication est d’explorer, en partant de L’usage de la photo, les questionnements et les doutes qui accompagnent le passage du statut de « personne atteinte du cancer » à l’« après-cancer ». En prenant en considération les temps de l’écriture et de la narration, nous abordons plusieurs thématiques : la transformation du corps, la mise en récit et le partage de l’expérience de maladie, l’engagement politique. Cette analyse permet de dégager des pistes de réflexion sur l’après-cancer aussi bien à l’échelle individuelle qu’à l’échelle sociale.
« Rôle du mal-être au sein de la dyade mère-adolescent avec un passé de cancer dans la régulation des buts et de la qualité de vie » Fabienne LEMETAYER, Manon FLORQUIN, Jean-Baptiste LANFRANCHI (Metz)
Des années après avoir reçu un diagnostic de cancer pour leur enfant, les parents sont souvent décrits dans la littérature comme à risque d’une qualité de vie détériorée. La présente étude réalisée auprès de 50 dyades mères-adolescents avec un passé de cancer (APC) et 100 dyades mère-adolescent sans passé de cancer (SPC) apporte cependant un nouvel éclairage. Ainsi, les mères des adolescents APC semblent témoigner non seulement d’une empathie vigilante (bienveillante) vis-à-vis de leurs adolescents, mais aussi d’une certaine dépendance émotionnelle vis-à-vis de leurs adolescents.
« L’après cancer : Un nouvel enjeu en cancérologie. Résultats de l’expérience régionale Franc-Comtoise dans le cancer du sein » Quentin JACQUINOT (Besançon)
« Le sommeil chez des patientes en post-traitement d’un cancer du sein : les effets d’un programme d’activités physiques adaptées » Chloé DROZD (Besançon)
« Temps du cancer et engagement associatif » Sandrine KNOBE (Strasbourg)
Face à l’épreuve de la maladie, des patients atteints de cancer peuvent décider de s’engager dans le monde associatif pour notamment rencontrer d’autres patients ou anciens patients afin de partager leurs expériences communes et singulières. Situées dans un espace associatif cancer historiquement constitué, les logiques d’engagement des patients ou anciens patients s’analysent à travers deux dimensions distinctes : les modes d’organisation des associations ainsi que les modes d’entrée dans l’espace associatif. L’analyse proposée s’appuie sur le traitement quantitatif du registre des associations et sur le recueil qualitatif d’une cinquantaine d’entretiens semi-directifs avec différents acteurs associatifs.
Atelier de réflexion sur la résilience
Modération : Magalie BONNET
À l’origine, la résilience s’applique à la physique et plus précisément à la métallurgie. Dans ce domaine, la résilience est la capacité d’un matériau à absorber de l’énergie quand il se déforme sous l’effet d’un choc. Ainsi, la résilience peut qualifier des individus qui surmontent une situation d’adversité sévère ou bien qui récupèrent ou maintiennent leur intégrité psychique après un traumatisme. B. Cyrulnik dans les années 90 la définit comme « La capacité de surmonter un traumatisme et/ou de continuer à se construire dans un environnement défavorable ».
Cette table ronde vise dans un premier temps à définir la notion de résilience dans sa complexité au regard de la problématique du traumatisme dans deux champs d’application différents : celui de la réanimation (avec une présentation d’Alexandra Laurent, professeure de psychologie clinique au Laboratoire Psy-Drepi de l’UB, psychologue clinicienne en service de réanimation chirurgicale) et celui de l’obésité (avec une intervention de Joris Mathieu, chercheur associé au laboratoire Interpsy de l’Université de Lorraine, psychologue clinicien au CHRU de Nancy). Il s’agit dans un second temps de discuter de la pertinence de la notion de résilience appliquée au champ de la cancérologie et au vécu du patient.
« Résilience en réanimation » Alexandra LAURENT (Dijon)
Dans le cadre de cette présentation nous aborderons la question de la résilience dans le contexte de la réanimation. La réanimation confronte a des situations extrêmes constituant un risque traumatique. On parle de vulnérabilités croisées où patients, familles et soignants peuvent être touchés par la violence des éprouvés.
L’intérêt du paradigme de la résilience en psychologie clinique est qu’il relativise les modèles déterministes et permet d’étudier l’individu selon ses ressources et non plus selon ses failles. Cela comporte un grand intérêt dans le milieu de la réanimation car permet de penser les dispositifs de soins psychiques en lien avec les ressources internes et externes des sujets impactés par le traumatisme.
« Application du concept de résilience aux maladies chroniques : exemple de l’obésité sévère » Joris MATHIEU (Nancy)
Cette intervention s’intéresse à la place du concept de résilience dans le champ des maladies chroniques. La résilience, c’est-à-dire la capacité à reprendre un développement psychique après un événement traumatique, est un concept opérant et utile aux soignants pour l’accompagnement des patients, en synthétisant la complexité du fonctionnement psychique actuel et passé. Cette intervention illustre l’intérêt de ce concept, à travers l’exemple de l’obésité sévère, en montrant notamment que l’analyse des trajectoires de résilience des patients en demande de chirurgie bariatrique, est une des clés pour expliquer la perte pondérale à moyen terme. Elle questionne finalement la place de l’équipe soignante, en tant que possible tuteur de résilience, ainsi que l’intérêt de développer ce concept dans le champ du cancer.